La retraite : une bifurcation dans le 

parcours de vie des travailleurs d’ESAT

Muriel Delporte

Conseillère technique CREAI Nord – Pas-de-Calais - Picardie

Doctorante en sociologie Laboratoire CeRIES - Lille 3

Recherche financée pendant 2 ans par la CNSA (DREES – MIRE) dans le cadre de l’appel 

permanent en matière de recherches sur le handicap et la perte d’autonomie

"Espaces, qualité de vie et situations de handicaps" - MESHS - le 21 avril 2016

Définition du projet 

• Constat : émergence et importance de la question du vieillissement des PSH dans

le champ politique et institutionnel du handicap

• 2 questions :

• En quoi est-ce « problématique » ?
• « Et eux, ils en pensent quoi de vieillir ? »

• Sociologie de la vieillesse et du vieillissement : l’expérience individuelle du

vieillissement

• Retraite en tant que transition biographique : bouleversement de

l’environnement relationnel et des routines du quotidien, occasion particulière
dans le processus de construction identitaire (Caradec, 2010)

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Projet de départ

• Saisir la diversité des expériences de la retraite de personnes ayant travaillé en

ESAT et « déficientes intellectuelles » (reconnaissance administrative)

• Dans leur organisation du quotidien
• Dans leur façon d’envisager cette nouvelle période de leur existence

• Hypothèses:

• Les expériences de la retraite sont façonnées par les contextes de vie actuels
• Elles prennent sens également au regard des trajectoires de cessation

d’activité

• Axes d’analyse:

• La réorganisation du quotidien
• Le positionnement identitaire par rapport aux catégories de « retraité » et de

« vieux »

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Méthodologie

• Etat des lieux de la question du vieillissement dans le contexte politique et

institutionnel du « handicap »

• 3 contextes de vie:

• Établissements du secteur « handicap »
• Établissements du secteur gérontologique
• Situations de vie à domicile avec SAVS

• Entretiens semi-directifs : personnes retraitées (dans un 1

er

temps),

accompagnants professionnels et familiaux

• Observations dans les différents contextes de vie

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Évolution de la recherche

• Après une 1

ère

vague d’entretiens auprès de personnes retraitées, 3 questions /

constats:

• « On ne voit plus les copains » : pourquoi un lien aussi puissant entre la

sphère du travail et celle de l’amitié ?

• L’ESAT : un « drôle de lieu de travail »?
• Poids des contraintes institutionnelles sur les parcours de vie

• Mieux comprendre le rapport au travail pour mieux comprendre ce qui se passe

quand ce travail s’arrête → entretiens avec des travailleurs d’ESAT

• Intégrer la question des relations amicales à l’analyse
• Mieux articuler le niveau micro et le niveau macro → inscrire cette expérience

dans le registre de l’épreuve (Martuccelli, 2006)

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Redéfinition du projet

• Saisir la diversité des expériences individuelles de la retraite de personnes

ayant travaillé en ESAT à travers 2 dimensions :

• En les réinsérant dans leur contexte macrosocial : politiques et dispositifs

institutionnels

• Et en les saisissant dans leur environnement proche : sur quels supports les

personnes peuvent-elles s’appuyer pour vivre la transition de la retraite ?

° Observer ce que les politiques sociales et les dispositifs institutionnels font

des expériences de la retraite, de quelle manière ils les façonnent

° Explorer la façon dont les personnes handicapées vivent l’expérience de la

retraite et ce qu’elles en font

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Caractériser l’épreuve : incertitude et ruptures

• Cette caractérisation peut s’opérer en partant « des difficultés des acteurs afin de

comprendre les manières dont les structures sociales permettent d’en rendre
compte » (Martuccelli, De Singly, 2012, p. 76).

• 2 éléments récurrents : l’incertitude et le risque de rupture permanent 

° Sociologie de l’imprévisible (Michel Grossetti, 2004)

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Sociologie de l’imprévisible (Grossetti, 2004)

• 4 notions clefs:

• L’imprévisibilité de la survenue d’un événement
• Les issues 
• Les irréversibilités
• L’échelle de spécialisation: encastrement et découplage des sphères d’activité

• Pour Grossetti, la retraite relève du rituel car elle crée des irréversibilités mais sa

survenue est prévisible, contrairement à la bifurcation qui se caractérise par une
imprévisibilité et des irréversibilités fortes.

• Mais choix de l’inscrire dans le registre de la bifurcation : imprévisibilité et

irréversibilités fortes, irréversibilités d’autant plus fortes et nombreuses que les
sphères d’activité sont encastrées

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L’imprévisibilité de la retraite 

• Imprévisibilité forte dans la survenue
• Un manque d’information

• Information parfois tardive: « moi j’ai su que deux jours avant que j’étais en

retraite, autrement j’aurais pas été prévenu, j’étais en colère » (Mr Firmin)

• Information non comprise car pas adaptée et complexe : « deux ans, c’est

jusqu’à la nouvelle année alors ? » (Mr Martin)

• Des travailleurs pris dans un système de contraintes (financières, familiales,

institutionnelles, …) : Mr Thierry, transition du FH au FAM

• Une quête d’information mais des informations contradictoires: « en fin de

compte on entend ça, on entend ça, on entend ça, alors donc on n’est pas

vraiment sûrs » (Mr Raymond)

• Sentiment d’exclusion des décisions: « je sais pas si on a le droit en plus » (Mr

Arnaud)

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Une retraite attendue… et redoutée

• Attendue car les personnes sont fatiguées, peuvent avoir des problèmes de santé
• Mais redoutée car les issues sont souvent inconnues

• Quid du lieu de vie, même pour les personnes vivant à domicile (auprès de

parents âgés) ?

• Et si changement de lieu de vie, éloignement des proches

• A nouveau, exclusion des décisions et incompréhensions
• Laisser sa place aux jeunes : redonne du sens
« Ben moi je voudrais prendre ma retraite pour laisser les jeunes travailler parce
que comme je dis ils font rien de bon en ce moment, ils volent et tout, alors il faut
leur donner du travail parce que je trouve que en ce moment les jeunes, ils font
n’importe quoi » (Mr Rémy)

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L’ESAT : une imbrication forte des sphères d’activité

• Lieu d’apprentissage : « j’ai appris à l’école ça, euh, non, je me trompe, au CAT, je

dis toujours l’école » (Mme Clémence)

• De valorisation : valeur travail
• De protection dans un environnement jugé hostile: « Ils en profitent sur des

handicapés, c’est pas bien ».

• Lieu des loisirs
• Lieu de sociabilité quasi exclusive : les amis sont des collègues, interconnaissance

très forte

• Lien travail / lieu de vie
• Quitter l’ESAT, c’est quitter tout ça… irréversibilités fortes
• Différentes façons de se projeter dans le temps de la retraite en fonction des

supports disponibles

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Une retraite attendue et riche de projets

• Le travail n’est plus un support satisfaisant : ennui, problèmes de santé,

collègues et amis partis, plus la même ambiance

• D’autres supports permettent de se projeter dans le temps de la retraite:

• Importance des supports relationnels : passer plus de temps avec sa famille,

sa compagne retraitée, rejoindre ses amis dans leur nouvel établissement

• Investissement de nouveaux lieux : un foyer que l’on a repéré, un projet

d’autonomie en appartement. Importance du territoire.

• Investissement de nouvelles activités (collectives ou individuelles)

« J’attends que ça! » (Mr Jules, 55 ans)

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Une retraite refusée, la perspective d’un vide

• L’ESAT est encore très investi :

• Lieu de sociabilité: amis, voir du monde, se parler
• Lieu d’activités variées (travail ou loisirs)

• Même si les personnes sont entourées par leur famille, la retraite représente

un risque d’ennui et d’isolement

• Il n’y a pas de support suffisamment puissant pour compenser ce risque, pour

le moment

« C’est pas la peine, je vais rester chez moi pour quoi faire ? Pour regarder la
télé ? Ça sert à rien ! Parce qu’ici je suis entourée de copains et des copines, on
se parle beaucoup » (Mme Maria, 58 ans)

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Une retraite lointaine, un projet à construire

• La retraite est lointaine (plusieurs années)
• Les personnes sont prises par d’autres projets qu’elles veulent réaliser avant
• Cette perspective est trop incertaine, il y a trop d’incompréhensions pour

pouvoir se projeter

« J’en suis pas encore là, j’ai encore envie de rester » (Mme Noëlla, 55 ans).

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L’expérience de la retraite

• Des expériences contrastées en fonction:

• Des supports disponibles: relationnels et activités
• Mais surtout en fonction du parcours de cessation d’activité

• L’endroit où l’on vit sa retraite est aussi important que la façon dont on y est

arrivé

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« Moi des fois je pense à la vie, comment on va aller 

dans des foyers, des maisons de retraite, l’avenir, c’est 

ça qu’il faut penser hein, moi des fois je me mets ça en 

tête, je me demande comment ça va aller plus tard… »

(Mme Josette, 67 ans, retraitée d’ESAT)

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Bibliographie 

• Caradec V., « Pour une approche des transitions du vieillissement. Le cas de la

retraite et du veuvage », in Carbonnelle Sylvie, Penser les vieillesses. Regards
sociologiques et anthropologiques sur l’avancée en âge, Paris, Seli Arslan, 2010, p.
93-108.

• Grossetti M., Sociologie de l'imprévisible : Dynamiques de l'activité et des formes

sociales, Paris, PUF, 2004

• Martuccelli D., Forgé par l'épreuve. L'individu dans la France contemporaine,

Paris, A. Colin, 2006

• Martuccelli D., De Singly F., Les sociologies de l'individu, Paris, A. Colin, 2009

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